dimanche 23 septembre 2012

Nemo propheta acceptus est in patria sua

« Nul n’est prophète en son village »

Ma chère cousine, vous n’allez pas le croire, notre très cher cousin a des talents cachés.

Vous n’ignorez pas ses occupations de rat d’archives, tel un rond de cuir il hante des lieux obscurs où se cachent des parchemins poussiéreux et mystérieux. Il parcourt assidument ces documents en tirant la substance qui composeront de futurs manuscrits. Il vient ainsi de publier un roman "Les Bleuets de l’été" présenté en avant-première aux lecteurs de la bibliothèque d’Eveux.
Mais je m’égare, revenons à notre sujet, ce talent caché.

Notre cousin s’éloigne chaque jour de notre village, le matin dès l’aurore, et aussi l’après-midi, regagnant ses pénates toujours avant l’angélus. Il parcourt de nombreuses lieues au volant de son automobile, à ses côtés la fameuse boîte à images que les initiés appellent « appareil photographique ». Vous savez que je préfère croquer des paysages ou des portraits sur une aquarelle prestement lissée, mais notre cousin lui saisit des moments instantanés sur la pellicule. Je l’ai un jour accompagné dans l’un de ses périples, et c’est ainsi que nous sommes allés à Oingt où se dresse les restes d’un château des seigneurs Guichard, une tour domine le bourg aux pieds des vignes.

   

Nous avons parcourus les ruelles, montant et descendant celle de Trayne-Cul, passant par celle de Tyre-Laine, mais en deux points précis, repérés à l’avance lors des passages précédents c’est là que notre cousin a décidé de poser son appareil photographique.

Le premier vers la croix qui se trouve sur la partie basse du village. L’arbre majestueux mis en valeur par quelques fleurs, deux gentes dames en grande discussion sont saisis au vol !

Le second est dans la partie haute, au pied de la montée qui conduit le croyant, après quelques hahanements, à l’église située au point culminant de la cité. Notre cousin avait repéré un groupe de braves personnes marchant sur nos pas. Nous nous sommes arrêtés au bas de cette montée, l’appareil est sorti de son sac. Il faillit faire vite, le groupe se déplaçait rapidement. Cadrage, contrôle de la lumière, réglage de l’objectif pour la mise au point, et hop, c’est dans la boîte.

Je me hasardais à lui poser une question : "Vous parcourez de longues distances pour cette passion, il y a certainement matière dans des lieux plus proches, dans votre village par exemple ?".

Mon cousin me répondit : "Lors de festivités, je m’étais hasardé à saisir quelques moments intéressants immortalisés sur la pellicule, des bateleurs, musiciens et autres saltimbanques. Mais ici, ce ne sont que moqueries et autres railleries ; la reconnaissance et la considération sont des mots inconnus, je vais les cherche ailleurs !"

A quelques temps de là, j’ai lu dans La Gazette que notre cousin avait reçu un prix dans un concours organisé par le Beaujolais des Pierres Dorées. Il s’agit, ma chère cousine, des deux photos réalisées à Oingt, l’un des plus beaux villages de France.